Petite fille, à quoi penses-tu donc ? Te voilà bien loin. Quel ailleurs occupe ainsi tes maigres pensées ? Je te vois assise à la fenêtre, le regard légèrement de biais, attentif à la neige qui tombe, sans l'être réellement. Qu'y vois-tu à travers la neige ? Je te vois, toute petite, alors que tu n'es pas là. Partie, enfuie, vers ces contrées lointaines contenues dans chaque flocon tombant. Je te vois. Tu te vois. Oui, là-bas. Là où je ne peux aller. Je te vois. Mais toi, toi assise bien loin de moi, tu m'ignores. Du reste, comment le pourrais-tu ? C'est vrai, j'ai beau être là, derrière toi, à te regarder, toi observant cette fenêtre embuée par ton souffle, je ne suis pas vraiment là non plus. Moi, dont le regard est pris dans le conduit étroit de cette jalousie. Une porte, oui une porte, nous empêche tous deux de nous croiser. A quoi pensai-je donc en te posant cette question : "Petite fille à quoi penses-tu ?" Et moi ? Et moi qui penses à toi derrière ton dos, à quoi pensais-je ? Oui, à quoi pensais-je donc lorsque je me suis mis à penser à toi ? Alors que toi, petite fille, oui toi, tu ne pensais pas à moi, mais à cet autre disparu dans cet ailleurs.