• Où est-elle ?
• Qui ?
• Où est-elle ?
• Je ne vois pas de qui vous voulez parlez.
• De la jeune fille qui habitait au quatrième.
• Oui ?
• Vous la connaissiez ?
• Oui.
• Quand l’avez-vous vu pour la dernière fois ?
• Je l’ignore. Vendredi ? Je ne sais plus. Tant de choses se sont passées depuis.
• A quand remonte votre plus proche souvenir d’elle ?
• Je me souviens d’une valise et d’un étui de guitare. Elle partait.
• Savez-vous où elle se rendait ?
• Chez ses parents, je suppose. Pour le weekend seulement. Comme tout le monde en cette ville. Les gens se rassemblent pour fêter Pâques en famille.
• Connaissez-vous sa famille ?
• J’avais eu l’occasion de rencontrer ses sœurs et son père. C’était il y a longtemps.
• Avant son départ, comptiez-vous la revoir ?
• Je pense, oui. Etant voisins de palier, on peut difficilement ne pas se croiser.
• Etiez-vous seulement voisins de palier ?
• Pourquoi ces questions ? Que sous-entendez-vous ?
• La voisine du dessous parle de certains bruits.
• Il nous arrivait de passer du temps ensemble, oui. Etant voisins de palier, nous pouvions difficilement ne pas s’inviter l’un chez l’autre.
• En quoi consistaient ces soirées ?
• Parlottes en tout genre. Rien de bien sérieux.
• Non rien de bien sérieux. Pourquoi n’est-elle pas revenue ?
• Qui ?
• La fille du quatrième. A qui donc pensez-vous ?
• A ma voisine de palier. Comme vous.
• La nouvelle ou l’ancienne ?
• Celle à qui vous pensez.
• Alors pourquoi n’est-elle pas revenue ?
• Elle est revenue. Je l’ai entendue poser ses affaires. Elle pleurait.
• Mais vous n’êtes pas venu la retrouver.
• Non.
• Pourquoi ?
• Pourquoi ? Nous n’étions pas amants. Sa vie, ce qui lui arrivait, ne regardait qu’elle. Pourquoi ces questions ?
• Qui est-elle ?
• Qui ? De quoi parlez-vous ?
• Vous savez très bien de qui, de quoi je veux parler. La fille du cinquième étage. Elle aussi n’était-elle qu’une demoiselle de palier ?
• Mais qui êtes vous ?
• Répondez !
• Et en vertu de quoi vous répondrais-je ? Vous ne m’êtes rien. J’ignore qui vous êtes.
• Je suis le voisin de palier de la fille du cinquième.
• Ah !
• Comme vous dites.
• Et en quoi le sort de la voisine du quatrième vous regarde ?
• Depuis son départ, un équilibre a été rompu.
• Cela n’est qu’une vision des choses.
• Depuis combien de temps vivez-vous au quatrième ?
• Dix ans.
• Et votre voisine de palier ?
• Dix ans.
• Est-elle venue s’installer après vous ?
• Non.
• Était-elle déjà présente lors de votre arrivée ?
• Nous somme venus nous installer ensemble.
• Vous vous êtes rencontrés à l’agence ?
• Non. Enfin, oui. Mais ce n’est pas celle à laquelle vous songez.
• Etiez-vous mariés ?
• Je vous en pose moi des questions ! Avez-vous des enfants ?
• Trois. Et vous ?
• Un. Une petite fille, en réalité. Elle n’a que trois jours.
• Quand est-elle née ?
• Ce weekend.
• Qui en est la mère ?
• Pourquoi posez-vous cette question. Vous savez très bien qui est la mère.
• Non, je ne sais pas. La fille du cinquième ?
• Votre femme.
• Ma femme, oui. Et la vôtre ?
• J’ignore où elle est en ce moment. Elle a posé ses valises. Je l’ai entendue pleurer. Et puis …
• Et puis ?
• Et puis, plus rien. Je ne l’ai plus revue.
• Pourquoi ma femme ?
• Il est plus facile de monter que de descendre.
• La fille du troisième n’est pas mal du tout. Plus jeune, plus accessible. Vous m’étonnez.
• Belle, certes. Mais bête comme ses pieds.
• Je concède.
• Vous n’étiez jamais là.
• Non, c’est vrai. Mais la fille du cinquième était toujours là.
• Oui. Je reconnais que la chance m’a souri.
• Jusqu’ici.
• Oui, jusqu’ici.
• L’aimiez-vous ?
• Qui ?
• Vous savez très bien de qui je veux parler.
• Non. Je ne l’ai jamais véritablement aimée. Elle vous aimait vous. Elle était votre femme.
• Alors pourquoi être monté ?
• J’avais besoin d’elle. De son sourire facile, de ses paroles faciles.
• Votre femme n’étai-elle pas …
• Ma voisine. Ma voisine. Mon mariage n’a été qu’une vaste chimère.
• Ne l’aimiez-vous pas ?
• Si. Je l’ai aimé à la folie. Et je l’aime à en mourir.
• Vous êtes monté aujourd’hui.
• Oui.
• Alors que j’étais là.
• Je voulais vous voir.
• Pourquoi ?
• Vous parler de la fille du quatrième, de ma femme portée disparue.
• Elle vous a donc vu ?
• Oui.
• Avec l’enfant ?
• Son enfant. Oui. Celui de votre femme.
• Et du vôtre.
• Hélas oui.
• Le saviez-vous ?
• Non. Pendant neuf mois, j’ai été en voyage d’affaires. Et vous ?
• Quoi ?
• Le saviez-vous ?
• Pour votre femme ?
• Oui.
• Elle est venue me voir. Une fois. Elle pleurait.
• Quand est-elle montée ?
• Vendredi. Après avoir déposé ses affaires.
• Que lui aviez-vous dit ?
• Que cet enfant n’était pas le mien.
• Comment avez-vous appris la nouvelle ?
• J’étais en voyage d’affaire.
• Pendant longtemps ?
• Pendant longtemps. Oui. Pendant neuf mois.
• Où est-elle ?
• Qui ?
• Vous savez très bien de qui je veux parler.
• Pourquoi le demander ? Vous ne la verrez plus. Votre fille est partie avec ma femme.
• Vous avez été dur avec elle.
• Elle m’a trompé.
• Vous l’avez trompée aussi. Avec ma femme.
• Une nuit. Elle n’est montée qu’une nuit.
• Quand ?
• Il y a neuf mois. Le jour de votre départ.
• La veille de votre départ.
• Je sais que vous le saviez.
• Oui, ce jour-là, votre femme est descendue, et elle m’a tout dit.
• Oui, elle vous a dit que votre femme était en haut.
• Pourquoi est-elle descendue ?
• Pourquoi est-elle montée ?
• Je l’ignore.
• Ne l’aimiez-vous pas assez ?
• Ne m’aimait-elle pas assez ?
• Pourquoi a-t-elle fait cela ?
• Je l’ignore.
• Ne m’aimait-elle pas assez ?
• Ne l’aimiez-vous pas assez ?
• Peut-être. J’aimais votre femme.
• Vous aimait-elle ?
• Non. Elle vous aimait, vous, et l’enfant qu’elle portait en elle.
• Je l’ignorais.
• Vous l’aimiez mais vous ne la voyiez plus, cependant.
• Ça a avait été une erreur de déménager. Trop d’étages. Non, je ne la voyais plus.
• Comment tout cela a pu bien commencer ?
• Je l’ignore. Je l’ignore et je le déplore.
• Elle vous manque ?
• Oui. Oh oui, terriblement. Ma femme me manque. Et mon fils, le fils que j’aurais dû avoir mais que j’ai perdu.
• Cela n’est pas de votre faute.
• Non.
• Ni la sienne.
• Non plus. Mais je l’ai pensé. Je l’ai accusée. Et je ne l’ai plus regardée.
• Alors elle est montée.
• Puis elle est partie.
• Oui, avec ma femme. Et votre fille.